Dans les discussions politiques, l’ordre public signifie la préservation de la paix sociale et de la sécurité collective, une extension du concept juridique d’ordre public.

Le maintien de l’ordre et de la sécurité publics est exercé essentiellement par les fonctions gouvernementales et administratives, lorsqu’elles protègent, par des actions concrètes et substantielles, les principes éthiques et politiques considérés comme fondamentaux pour l’existence même de l’ordre et la réalisation des objectifs de l’État.

Les activités de maintien de l’ordre et de la sécurité publics peuvent être menées directement, par exemple lorsque les maires, en concertation avec les préfectures, demandent l’activation des forces de police coordonnées par le ministère de l’intérieur, ou indirectement, lorsque les différents organes administratifs exercent une vigilance et un contrôle sur les activités des individus et des associations.

Bien que, dans un Etat de droit, les interventions visant à prévenir les menaces potentielles ou à réprimer les troubles à l’ordre et à la sécurité publics doivent être effectuées dans le cadre de lois spécifiques de l’Etat, le caractère contraignant des règles d’ordre public implique un pouvoir discrétionnaire (variable selon les circonstances) des organes chargés de l’intervention, qui, par exemple, peuvent choisir de manière autonome quels sont, parmi ceux autorisés, les moyens les plus appropriés pour la poursuite de l’objectif.

Le maintien de l’ordre et de la sécurité publics peut sembler un sujet banal, mais en réalité, il s’agit d’un problème politique très délicat aux implications même inquiétantes.

Le thème politique semble banal puisque le besoin de sécurité est inné chez l’être humain, tandis que la demande de plus de sécurité de la part des citoyens semble, somme toute, toujours partageable.

En réalité, c’est un sujet très délicat car :

  1. les voies et moyens potentiellement utilisés pour satisfaire le besoin d’ordre public et de sécurité des citoyens peuvent déterminer les risques pour les droits et libertés ;
  2. le besoin de sécurité peut être artificiellement alimenté et exploité pour des motifs inavoués, ce qui suggère des implications politiques inquiétantes.

La perception du sentiment d’insécurité dans la société moderne a considérablement augmenté avec la diffusion des moyens de communication de masse, en raison du conditionnement psychologique généré par le flux continu de nouvelles que la mondialisation croissante répercute à l’échelle planétaire. Nous vivons aujourd’hui dans un village global, comme l’a bien défini Marshall McLuhan par un oxymore, qui annule le temps et les distances, de sorte que ce qui se passe ailleurs semble très proche et peut donc générer plus facilement des réactions émotionnelles.

A cela s’ajoute le mécanisme pervers de la concurrence spasmodique entre les médias qui, pour capter l’attention de personnes de plus en plus distraites par le flux continu de nouvelles, n’hésitent pas à mettre en avant et à analyser de manière morbide les pires faits divers.

Indépendamment des risques réels, plus la perception de l’insécurité est élevée dans la société, plus la demande d’ordre et de sécurité publics sera importante, tant en termes numériques (c’est-à-dire la proportion de la population qui le demande) qu’en termes qualitatifs (c’est-à-dire l’étendue et l’incisivité des solutions possibles). En d’autres termes, plus la population est exaspérée, plus elle est susceptible d’accepter des inconvénients et des limitations à la liberté, pour autant que l’ordre public et la sécurité soient garantis.

Au cours de l’histoire, les États autoritaires, mais aussi les États démocratiques, au nom de la raison d’État, ont profité de ce mécanisme de psychologie des masses pour poursuivre leurs propres objectifs. Tout d’abord, l’insécurité est insinuée dans la population, par exemple, avec des campagnes médiatiques visant à exaspérer les effets causés par la diffusion de nouvelles négatives ou encore à favoriser le dysfonctionnement des systèmes de prévention du crime non organisé et de la déviance sociale. Une fois que le sentiment d’insécurité a envahi la population, on s’attend à une réaction de masse et on la stimule, en l’instrumentalisant, par exemple, pour tenter d’instaurer un régime autoritaire ou pour accroître la répression ou encore pour faire accepter à la population des choix politiques que, dans des conditions normales, elle n’aurait jamais approuvés.

Une forme plus subtile de conditionnement, toujours axée sur le besoin de sécurité de la population et mise en œuvre également dans certaines démocraties occidentales, est la stratégie dite de la tension, qui exploite la réaction émotionnelle des masses au sentiment d’insécurité généré par de graves attaques terroristes ou des actions fracassantes du crime organisé. La stratégie de la tension consiste à favoriser une grave perturbation de l’ordre public capable d’effrayer la population et, donc, de provoquer une réaction émotionnelle dans les masses, par exemple, pour déstabiliser la situation politique d’un pays. La stratégie de la tension peut avoir différents objectifs selon le contexte dans lequel elle opère, parmi lesquels : atténuer les conflits sociaux en apaisant la population, rendre l’opinion publique insécure face à d’éventuels changements et, par conséquent, résignée au statu quo, imposer un tournant politique réactionnaire, détourner l’opinion publique d’autres événements politiquement pertinents.

Outre les risques d’instrumentalisation du besoin de sécurité ou, plus exactement, des réactions de la population au sentiment d’insécurité, les moyens utilisés pour garantir l’ordre public peuvent également devenir dangereux pour les libertés individuelles des citoyens.

En effet, bien que les conventions internationales sur les droits de l’homme et la Constitution italienne protègent, par exemple, le droit de ne pas être intercepté ou fouillé sans autorisation judiciaire, le droit à la libre circulation sur le territoire national, le droit à la liberté de manifestation et de protestation, le droit des manifestants ainsi que des détenus de ne pas être soumis à la violence physique et morale des forces de l’ordre, dans le cadre du maintien ou de la répression des troubles de l’ordre public, les forces de l’ordre peuvent agir en dérogation aux garanties normalement applicables dans des situations normales, voire porter atteinte à certains de ces droits en raison d’excès et d’erreurs, comme cela s’est produit, par exemple, lors du sommet du G8 à Gênes en 2001.

En substance, en élargissant la fenêtre juridique et les situations dans lesquelles il est possible d’exercer des interventions discrétionnaires visant à maintenir l’ordre et la sécurité publics, il devient, en fait, possible de limiter les libertés individuelles des citoyens, même dans le contexte d’un État légal. Il s’agit d’une question très actuelle, surtout après les attentats terroristes islamiques, car les contrôles que les institutions, y compris les services secrets, peuvent exercer sur la population, également par le biais de nouveaux outils technologiques, afin de prévenir les attentats ou, plus généralement, de maintenir l’ordre et la sécurité publics, posent de sérieux problèmes de respect des droits et des principes démocratiques.

Un problème de démocratie se pose tant pour les limitations et les contrôles auxquels la citoyenneté est soumise pendant les opérations de prévention (par exemple, dans les aéroports), que pour la nécessité d’établir exactement qui, dans l’ordre démocratique, est délégué pour contrôler le contrôleur.

En effet, la collecte de données et d’informations sur les citoyens, dans le cadre des activités de renseignement et de prévention pour le maintien de l’ordre et de la sécurité publics, implique la nécessité d’exercer un contrôle rigoureux sur les sujets qui exercent ces activités, pour vérifier l’adéquation et la pertinence des informations recueillies, pour garantir la confidentialité et la sécurité des données, pour empêcher une éventuelle utilisation déformée ou instrumentale de ces informations.

Toutefois, la question de la confidentialité et de la sécurité des données des citoyens est un problème plus large qui, grâce à la diffusion de nouveaux outils de communication et de services en ligne, concerne désormais tous les citoyens. Étant donné que ces nouveaux outils pourraient également être utilisés pour commettre des infractions à l’ordre public (par exemple, les systèmes des particuliers pourraient être utilisés, par le biais d’intrusions informatiques, comme tête de pont pour des cyberattaques à grande échelle visant à perturber les services et à endommager les systèmes et les bases de données publics et privés), la question de la prévention des délits informatiques et de la sécurité des systèmes et des réseaux de télécommunications est devenue un problème d’ordre public à ne pas sous-estimer, qui a été traité en Italie par le renforcement des compétences de la police postale.

En raison également des criticités énumérées, la garantie de l’ordre et de la sécurité publics sur le territoire national est l’une des tâches fondamentales qui incombe exclusivement à l’État et, en particulier, aux institutions spécifiquement créées à cet effet. Par conséquent, l’intervention de différents organes, par exemple les forces armées, doit également être gérée et organisée avec prudence.

Il n’est donc pas conseillé de déléguer l’ordre et la sécurité publics à des institutions privées ou même aux citoyens eux-mêmes, comme le proposent de manière provocante certaines forces politiques qui ont organisé des patrouilles citoyennes visant à contrôler le territoire et à prévenir les épisodes de petite délinquance, enflammant le débat politique.

De même, certains épisodes de l’actualité qui ont remis en question le délit d’excès de légitime défense par négligence, ainsi que les problèmes de sécurité potentiels posés par l’immigration clandestine, ont relancé à plusieurs reprises le débat sur la question de l’ordre public et de la sécurité, qui, avec le travail et les impôts, est l’un des thèmes les plus exploités par les forces politiques pour accroître le consensus, en particulier pendant les campagnes électorales.

Malgré toutes les critiques, la présence de l’Etat et des forces de police pour garnir le territoire reste un des instruments fondamentaux pour le maintien de l’ordre et de la sécurité publique, pour prévenir les phénomènes de déviance générés par le malaise social et la diffusion de la criminalité non organisée, pour favoriser le respect de la légalité. Il est toutefois nécessaire de ne pas se laisser trop conditionner par les événements du crime et de toujours maintenir une approche prudente et rationnelle du thème de l’ordre et de la sécurité publics.

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